Etre orienté ou s'orienter, telle est la question !
Les parents s’engagent souvent dans les choix d’orientation académique et professionnelle de leurs enfants. Selon une enquète Crédoc 2018 “Pour discuter de leur orientation, les jeunes se tournent de manière prépondérante vers leurs parents :
-
80 % ont évoqué la question de l’orientation avec leurs parents
-
pour 52 % les parents ont été le principal interlocuteur.
Or du coté des parents le sujet de l’orientation est émotionnellement chargé (stress, inquiétudes, conflits..) comme le montre le graphe ci dessous sur es différents types de préoccupations des parents face aux choix d’orientation (source UNAF).
Ainsi, la relation parent-enfant sur les sujets d’orientation se déroule sur un terrain particulier. L’échange est-il heureux? facile? conflictuel? En tant que parent, faut-il imposer ou laisser faire? “soutenir et guider, sans forcer la main” facile à dire, plus difficile à faire..
Qu’est ce qui se joue d’un point de vue psychologique et relationnel dans ces situations entre les parents et les enfants? Influence? Injonctions éducatives? Croyances? Pression? Bienveillance? Pression?
L’orientation: source conflit pour 28% des parents
En tout cas, il apparaît qu’à ce moment une influence des parents sur le choix des enfants s’exerce dans un grand nombre de cas
-
37 % des jeunes estiment que leurs parents les ont poussés à suivre une option au lycée
-
42% des jeunes déclarent que leurs parents les ont poussés à suivre certaines voies ou filières
-
La “pression” des parents concernent plus fortement les enfants de parents “cadres” que ceux de parents employés (+7%). Ce dernier point est confirmé par la recherche en sociologie. Greenberger, O’Neil, & Nagel (1994) démontrent que, plus le statut socio-économique des parents est élevé, plus ceux-ci tendent à s’engager dans une éducation autoritaire et efficace et à encourager des relations étroites et communicatives avec leurs enfants.
La situation d’orientation est par construction un système d’influence sous tension car elle force des décisions à prendre à plusieurs avec une date butoir (ex. liste de voeux Parcoursup, ou choix de lycées…).
La volonté d’influence des parents va se retrouver face à différentes configuration du côté de l’enfant.
Certaines situations de désaccord apparaissent ainsi avec des tensions de différente nature qui peuvent apparaître.
Grille de lecture en psychologie systémique des situations d’orientation
Dans une lecture systémique, les problématiques relationnelles sont modélisées par quelques éléments dont
-
la définition du problème - quelle est véritablement la situation qui fait problème?
-
quelle est la personne qui a le problème
-
la tentative de solution que mettent en place les parents et les jeunes
Certaines spécificités de la situation d’orientation peuvent être identifiées:
-
La nature du problème: un problème est une difficulté qui se répète et dont la répétition génère un ou des symptômes qui constituent un handicap pour la personne. Ainsi un parent inquiet peut exprimer le problème comme étant celui de l’indécision de son enfant sur ses choix d’orientation, mais la difficulté répétée peut être liée aux échanges réguliers parent-enfant qui dégénèrent en conflit (Problème) et l'absence prolongé de communication entre les deux parties qui génère un mal-être chez le parent (Symptôme)
-
Qui a le problème? La décision d’orientation est un problème pour soit le parent, soit le jeune mais pas nécessairement pour les deux au même moment. Le problème de l’orientation peut être un problème pour les parents à partir des 14 ans de l’enfant mais ne constituer un problème pour l’enfant qu’à partir de la licence et de ses choix de masters. L'enquête ci-dessus montre que potentiellement derrière la situation d’orientation, le problème est celui de l’inquiétude des parents. Il se peut tout à fait que le problème du jeune ne soit pas vraiment le choix d’orientation, et de ce fait le jeune n’a soit pas de problème à régler soit pas le même problème que celui des parents. Le problème du jeune peut être de rester avec ses mêmes amis au lycée plutôt que de choisir le Lycée qui augmenterait théoriquement ses chances d’arriver plus facilement dans telle ou telle filière d’enseignement supérieur. Si les parents sont inquiets, mettent la pression régulièrement à l’enfant qui lui ne se presse pas de décider, il peut y avoir un problème dans la relation mais qui n’est pas un problème d’orientation en tant que tel.
-
Une vision du monde imposée - les choix d’orientation souhaités par les parents reposent sur une vision du monde construite par leur expérience personnelle et/ou la culture familiale. Parmi les croyances de vision du monde classiques du côté des parents on peut retrouver
-
“La terminale S est un tremplin de réussite pour le supérieur”
-
“Un bac + 5 est la meilleure arme contre le chômage”
-
“les études ne servent pas beaucoup, c’est en travaillant qu’on apprend”
-
“les métiers créatifs n’ont pas de débouchés”
-
“le métier idéal est celui qui permet de vivre sa passion”
-
et bien d’autres ….
-
Ces croyances amènent les parents par amour et besoin de sécurité à vouloir influencer les choix des enfants. Du côté des jeunes, la vision du monde est souvent très différente.
-
La tentative de solution du contrôle des parents appliquée sur un contexte d’indécision du côté du jeune.
Il est clair que les jeunes sont indécis sur leurs choix d’orientation et c’est normal. Pour les élèves de Terminale, l’incertitude est de mise (66%) puisque
-
⅓ ont des projets d’orientation précis
-
⅓ ont des projets d’orientation flous
-
⅓ n’ont pas de projets d’orientation défini
Des parents inquiets vont voir leur inquiétude augmentée par l’indécision de leurs enfants qui de leur point de vue ne réalisent pas les enjeux de l’orientation. Ils vont mettre en place des stratégies de contrôle (injonction de travail sur certaines matières, orientation sur les stages,